Tranquillité publique, délinquance

Les activités humaines et les environnements naturels et bâtis peuvent influencer les risques réels auxquels les citoyens sont exposés, mais ils peuvent également affecter leur sentiment de sécurité. La sécurité objective comme la sécurité perçue s’avèrent très importantes en raison de leurs effets potentiels sur la santé physique et mentale et la qualité de vie des citoyens.

Définitions, éléments de contexte

  • Sentiment d’insécurité : inquiétude qui résulte du manque de sécurité et/ou de l’éventualité d’un danger réel ou ressenti. Ainsi, une personne qui n’a pas été victime elle-même et ne connaît pas de victime d’un crime ou d’un délit peut ressentir de l’insécurité au regard de l’éventualité du danger, qu’elle soit réaliste ou non. Egalement, une personne peut estimer que la délinquance est élevée dans son quartier sans pour autant ressentir d’insécurité (1) ;
  • Tranquillité publique : situation d’absence de perturbations et bruits susceptibles de porter atteinte au repos des habitants d’un espace ;
  • Incivilités : comportements qui ne respectent pas une partie ou l’ensemble des règles de vie en communauté telles que le respect d’autrui, la politesse ou la courtoisie (graffiti, dégradation, crottes de chien, jet d’ordures, attroupements…).

La délinquance dans les quartiers prioritaires (2)

  • La violence et la sécurité constituent la 2e principale préoccupation des habitants en quartier prioritaire (14 %), derrière le chômage. A noter que ce chiffre est similaire à celui relevé pour les habitants hors QPV (15 %) ;
  • L’intensité de la délinquance enregistrée est, en moyenne, plus forte en QPV que sur le territoire métropolitain :
  • 7,5 faits de violences physiques sur les personnes pour 1 000 habitants contre 4,0 pour 1 000 sur l’ensemble du territoire ;
  • Infractions à la législation sur les stupéfiants (+ 80 % de faits constatés pour 1 000 habitants) ;
  • Violences avec ou sans vol (+ 45 % et 58 %) et les dégradations (+46 %) ;
  • En revanche, la fréquence des cambriolages est en moyenne 47 % plus faible dans les QPV. De même, elle est 30 % inférieure pour les vols sans violence, 25 % inférieure pour les vols dans les véhicules et, enfin, 9 % inférieure pour les vols de véhicules.

Principaux déterminants de la sécurité objective et perçue

Déterminants du sentiment d’insécurité

Qualité des espaces publics

  • La qualité des espaces publics (esthétique, entretien) influence la perception quant à la sécurité de ces espaces : un quartier négligé (trottoirs en mauvais état, éclairage défectueux) est perçu comme abandonné par les pouvoirs publics et de fait livré à la délinquance (3) ; l’inaction face aux incivilités et à la délinquance accroît le sentiment d’insécurité qui favorise ces pratiques illicites : c’est la théorie de la vitre brisée (4), qui souligne la réciprocité entre sentiment d’insécurité et développement de la délinquance ;
  • A l’inverse, plus un quartier est convivial et bien entretenu, plus le sentiment de sécurité est élevé et l’appréciation du cadre de vie positif (5, 6) ;
  • Une étude sur la qualité des projets de rénovation urbaine et l’analyse de la résidentialisation menée par le Centre scientifique et technique du bâtiment (7) met en avant des résultats très positifs avec une amélioration notable de la perception que les habitants ont de leur quartier, de sa place dans la ville, en même temps qu’un sentiment de valorisation, une amélioration importante du sentiment de sécurité et une confiance plus grande dans l’avenir. Ces projets de résidentialisation interviennent dans des contextes où le sentiment d’abandon lié à la perte de confiance dans l’action publique joue un rôle majeur dans les problématiques observées. Les points de vue recueillis dans l’étude mettent en avant une forme de « réconfort » généré par l’ampleur de la mobilisation publique pour améliorer les situations initiales.

Qualité des espaces verts

  • Les espaces verts mal entretenus et vandalisés, de même que ceux qui comprennent des zones d’ombre ou moins visibles, favorisent le rassemblement de groupes ou les usages problématiques (vente et/ou consommation d’alcool, de stupéfiants…), ce qui peut contribuer à augmenter le sentiment d’insécurité de la population.

Activités humaines et comportements

  • Plus que les infractions réellement perpétrées, les éléments constitutifs du sentiment d’insécurité sont les incivilités (tapages nocturnes, vandalisme, occupation agressive et bruyante des espaces publics ou privés…) : l’effet visible de ces troubles et les difficultés d’intervention et de répression des autorités publiques renforcent les sentiments d’abandon, d’inquiétude et de vulnérabilité ressentis par certains habitants des quartiers concernés (8).

Déterminants de la sécurité objective et du sentiment de sécurité

  • Différentes études ont mis en évidence un lien entre les incivilités et la délinquance : ainsi, les quartiers victimes d’incivilités feraient l’objet de davantage d’actes de délinquance ;
  • La présence d’espaces verts dans les zones résidentielles encourage les habitants à fréquenter les espaces extérieurs et espaces publics, ce qui, par un phénomène de surveillance passive, constitue un frein aux actes de délinquance et incivilités. De même, l’importance apportée par la communauté aux espaces verts se traduirait par une vigilance accrue et une propension plus importante à intervenir en cas de problème de sécurité constaté.
  • Il a été démontré un impact positif des projets de renouvellement urbain sur les incivilités et surtout sur la sécurité ressentie par les habitants (12).

Impacts sanitaires de l’insécurité objective et perçue

Les environnements non sécuritaires augmentent les risques de blessures et de décès. Ils ont également un impact sur la santé mentale des habitants.

Impact sur la santé mentale

  • Le fait de ne pas se sentir en sécurité est à l’origine de stress quotidien et croissant de jour en jour chez les individus, ce qui a pour conséquences une détérioration de l’état de santé mentale et de la qualité de vie (9).

Impact sur les mobilités actives et l’activité physique

  • Un environnement non sécurisé ou perçu comme non sécurisé (aménagements inadaptés, mauvais éclairage…) contraint la mobilité des résidents et a fortiori des populations plus fragiles telles que les enfants, personnes âgées et personnes à mobilité réduite. Par exemple, les enfants se sentant en sécurité aux abords de leur école sont plus à même de marcher pour se rendre à l’école (10) ;
  • Les incivilités (déchets, graffs, crottes de chien, détérioration de mobilier urbain…) constituent un frein à l’activité physique et à la marche de par leur impact négatif sur la qualité esthétique du quartier, mais aussi parce qu’elles contribuent à augmenter le sentiment d’insécurité et la peur de la population (8).

Zoom sur les personnes vulnérables

  • Les personnes âgées, enfants et personnes à mobilité réduite sont particulièrement sensibles tant à la sécurité objective et la tranquillité publique qu’au sentiment d’insécurité : un quartier négligé et touché par les incivilités limite leur mobilité et la pratique d’activités physique, renforçant leur isolement social pouvant en conséquence également impacter leur santé morale et mentale ;
  • Les personnes souffrant d’anxiété ou de troubles mentaux sont particulièrement sensibles à l’insécurité, qui constitue pour elles un handicap supplémentaire et un facteur de risque.

Les femmes

  • Le sentiment d’insécurité est particulièrement prégnant chez les femmes. D’après une étude publiée en 2014 par le Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes (11), près d’une femme sur trois résidant au sein d’une Zone Urbaine Sensible a déclaré se sentir en insécurité dans son quartier, contre moins d’1 sur 5 hors ZUS. Par ailleurs, 9 % d’entre elles ont déclaré avoir été victime de violences physiques et/ou sexuelles, contre 6 % des femmes résidant hors ZUS. Les femmes se sentent particulièrement exposées dans les espaces publics avec la peur fréquente d’être suivies, de subir des agressions, des menaces ou des vols.

Pistes d’actions qui pourraient être envisagées pour renforcer le sentiment de sécurité et lutter contre les actes de délinquance

Aménager l’espace pour perturber les pratiques illicites : résidentialisation et défense de la tranquillité publique

  • Le « Crime Prevention Through Environmental Design » est une approche anglo-saxonne de l’urbanisme sécuritaire, qui valorise la création d’un environnement bâti répondant à certaines caractéristiques afin de réduire le sentiment d’insécurité et de dissuader les actes de délinquance (13). Cette approche repose sur:
    • La territorialisation qui vise à renforcer la prise de possession du territoire par les usagers légitimes et repose sur la délimitation des espaces publics et privés (haies, clôtures basses...) ;
    • Le renforcement de la surveillance naturelle, qui vise à augmenter la visibilité par des aménagements (espaces ouverts, éclairage…) ;
    • Le contrôle de l’accès ;
    • La promotion des activités communautaires positives.

Exemple : Une revue de la littérature parue en 2002 (14) a montré qu’une augmentation de l’éclairage public dans la rue avait réduit de 7 % les actes de délinquance dans 8 études américaines et de 30 % dans 5 études menées au Royaume-Uni. A noter que les réductions du nombre d’actes de délinquance ont également été démontrées en journée, suggérant ainsi que l’effet de l’éclairage public serait davantage lié à l’augmentation du sentiment de sécurité et à l’augmentation du contrôle social informel, plutôt qu’aux opportunités réelles de surveillance.

La résidentialisation consiste à hiérarchiser et matérialiser les limites entre espaces publics et privés : il s’agit de fermer et sécuriser les espaces privés, et à l’inverse d’ouvrir les espaces publics pour en faire des lieux de passage apaisés et lisibles pour tous. La résidentialisation constituerait une forme plus ‘douce’ de prévention situationnelle, moins évidente que la surveillance formelle, et de fait plus efficace.

Impliquer les habitants dans la lutte contre la délinquance et les incivilités

  • La responsabilisation des habitants et leur association à la gestion urbaine est une piste d’action favorisant la tranquillité et la sécurité : ils peuvent notamment assurer une vigilance constante qui peut perturber les pratiques de deal ou participer à des patrouilles conjointement avec les forces de l’ordre ;
  • L’entretien de collaborations entre habitants, bailleurs sociaux, services de la ville et forces de l’ordre s’inscrit également dans cette optique : en assurant l’entretien du cadre de vie et le développement d’activités positives au sein du quartier grâce à des actions multi-partenariales, son image positive n’en sera que favorisée ;
  • Dans les quartiers touchés par les incivilités, une campagne de sensibilisation peut être mise en place sur la propreté du quartier et s’accompagner de campagnes de ramassage d’ordure ;

Programmer une étude de sécurité situationnelle par les services de la Préfecture.